Placée
sous le thème «Le patrimoine immatériel africain», elle a été célébrée
cette année du 21 au 25 mai. Son programme comprenait, entre autres,
une exposition de peinture à laquelle ont pris part deux peintres
tunisiens : Jouda Guerfali Gomri et Mourad Chaaba. Jouda Guerfali
Gomri est diplômée des Beaux arts de Tunis, (design) et titulaire d’un
DEA obtenu en 1998 à la Sorbonne, intitulé "Esthétique, technologies et
créations artistiques". C’est tout naturellement donc qu’elle a adopté,
depuis ses premières toiles, la superposition et le recours au
numérique et à la photographie. Au risque d’offusquer les puristes,
elle continue d’aligner les "portraits d’après photos" et leurs
variantes, l’image-expression et l’image-création. Les cinq tableaux
exposés à l’Unesco relèvent tous de cette symbiose, cette technique
mixte, très élaborée, qui allie la photographie non seulement à
l’infographie et à la peinture à l’huile mais également à la
calligraphie arabe. Ils reproduisent tous, en arrière-plan, la
silhouette d’une jeune femme. On en devine à peine les traits encore
moins le corps tant la vision artistique semble vaporeuse et floue,
nimbée pour ainsi dire d’une lumière fragmentée, envahie de signes.
Trait surréaliste, trait lumineux, magique de l’infographie,
caractéristique d’une œuvre où tout se passe comme si les poses du
modèle, la palette des couleurs et les interférences de la calligraphie
se trouvent naturellement en situation de dialogue. En fait, tout le travail de l’artiste ne tendait que vers ce but, comme elle nous l’a déjà avoué lors d’une interview : «En
vérité, dans mon travail, tout se base sur un dialogue : d’abord la
technique elle-même est un dialogue entre la photo et la peinture à
l’huile. Quant à la photo, elle constitue un dialogue entre le modèle
et moi; c’est un modèle que je prends en photo; la photo est ensuite
imprimée sur toile, découpée, superposée». (cf. La Presse du 14/11/04) Ainsi en est-il des œuvres comme La Force des lettres, Lella Beya, Deuxième noce ou encore Regard à Sidi Bou Saïd. Par
contre, la technique de Chaaba Mourad est différente. Bien que les deux
artistes — peintres traitent du même thème, celui de la femme, tous
les tableaux de Chaaba Mourad — aussi bien ceux qui sont exposés dans
le grand hall que ceux qui figurent en diaporama, sur un grand écran à
l’entrée de l’exposition — reproduisent des portraits de jeunes femmes
hautement stylisés, aux traits fins et à l’œil de biche, et toutes
ostensiblement voilées. La touche orientale y est plus présente : une
jeune fille songeuse délicatement penchée sur son luth dans Méditation;
une autre, au balcon, contemplant la mer dans Evasion bleue. Une autre
encore serrant tendrement son enfant. Autant de réminiscences et de
repères de notre héritage: couleurs, habits et bijoux traditionnels.
Bref, une peinture sage, classique, portant sur la femme orientale
moderne, un travail épuré, loin des jeux de miroir et autres effets
illusionnistes de sa compatriote Jouda Guerfali Gomri. Il n’en
demeure pas moins que, de part et d’autre de la Tanzanie et du Congo,
face à Madagascar, dans cette grande maison de la culture universelle
qu’est l’Unesco, notre pays, avec ses deux artistes-peintres, fait
bonne figure. Quoi de mieux que l’art et son langage universel, la
beauté, pour établir les confluences et la compréhension entre les
civilisations ? Rafik DARRAGI www.rafikdarragi.com |